Cher(e) ami(e) de la Santé,
Connaissez-vous cette photo du célèbre Robert Doisneau[1] ?
Elle illustre un progrès sanitaire majeur, révolutionnaire, au 20ème siècle.
Un « bond en avant » dont on parle peu…
… alors qu’il a été plus salvateur qu’un autre « progrès médical », dont on fait partout la promotion, représenté sur cette photo-là :
Pour ne prendre que l’exemple de l’image ci-dessus (BCG contre la tuberculose), ce vaccin n’a jamais fait la preuve de son efficacité – et la maladie a d’ailleurs disparu aux États-Unis, sans la moindre vaccination de masse.
Au contraire, la « potion magique » distribuée sur la photo de Doisneau a permis d’éradiquer de façon spectaculaire une terrible maladie qui frappait la majorité des enfants occidentaux au début du 20ème siècle.
Cette maladie, c’est le rachitisme.
Je vous en ai parlé dans ma dernière lettre : c’est une maladie qui provoque une déformation des os, de terribles souffrances, et, souvent, une petite taille.
Une maladie causée par le manque de soleil… et guérie par une simple huile
On connaît bien, aujourd’hui, la cause du rachitisme.
Le rachitisme vient d’une carence aiguë en vitamine D. La raison est simple : parmi ses nombreux bienfaits, cette vitamine contribue à fixer le calcium dans les os.
Faute de vitamine D, le calcium du lait maternel (ou maternisé) ne suffit plus à bâtir des os solides… ce qui peut causer de graves difformités.
C’est encore pire, bien sûr, si l’enfant est globalement malnutri – raison pour laquelle le rachitisme était plus souvent observé dans les milieux populaires que dans les milieux aisés.
Mais c’est bien le manque de vitamine D qui est au cœur de cette maladie.
Et c’est ce qui explique « l’épidémie » de rachitisme en Europe au 19ème siècle.
Avant la révolution industrielle, la plupart des mères travaillaient dehors, s’exposaient davantage au soleil… et avaient de bons taux de vitamine D (synthétisée par notre peau au soleil).
Ainsi, elles transmettaient à leur bébé un bon taux de vitamine D dès la naissance. Puis, via le lait maternel, elles donnaient chaque jour de bonnes quantités de vitamine D à leur nourrisson en pleine croissance.
Mais avec la révolution industrielle, de nombreux métiers se déplacèrent de l’extérieur vers l’intérieur… entre quatre murs… et sans soleil.
Voilà pourquoi le rachitisme est devenu très fréquent en Occident au 19ème siècle… alors qu’il était à peu près inexistant dans les autres pays du monde.
Voilà pourquoi il faisait plus de ravages dans les villes que dans les campagnes… et plus en Europe du Nord qu’en Europe du Sud : le problème venait du manque de soleil.
Et voilà pourquoi l’huile de foie de morue fut un remède « miracle » contre le rachitisme : c’est le seul aliment naturellement très riche en vitamine D !
On comprend mieux pourquoi cette huile put être donnée systématiquement à l’école en France à partir des années 1930, comme l’illustre la photo de Doisneau.
Mais ce qui reste difficilement compréhensible – et franchement choquant – c’est qu’on ait autant tardé à donner systématiquement cette « potion magique » aux enfants.
Drame du scientisme : il fallait des preuves « scientifiques » !
On a vu que l’huile de foie de morue a été reconnue en France comme le grand remède contre le rachitisme dès le milieu du 19ème siècle.
Le Dr Trousseau, membre de l’Académie de Médecine, écrivait en 1861 qu’il n’y avait « pas un médecin qui n’y ait recours pour traiter les enfants rachitiques ».
Alors pourquoi le rachitisme n’a pas disparu dès le milieu du 19ème siècle ?
Pourquoi le rachitisme faisait-il encore rage, en Europe et aux Etats-Unis, au début du 20ème siècle[3] ?
Comment est-ce possible, alors qu’on connaissait le remède ?
N’était-il pas évident qu’on pouvait essayer de donner l’huile de foie de morue en prévention, pour éviter le rachitisme – et pas seulement pour le soigner après coup ?
L’huile de foie de morue était-il un remède « trop simple » pour la médecine ? Pas assez « prestigieux » ? Pas assez « scientifique » ?
Toutes les preuves étaient là, pourtant : quantité de médecins ont rapporté le cas d’enfants guéris en quelques mois de difformités abominables, grâce à l’huile de foie de morue.
Que fallait-il de plus à la communauté médicale pour agir ?
Eh bien, il semble qu’il lui fallait des explications et des preuves plus « scientifiques ».
De fait, le remède ne s’est vraiment popularisé que lorsque la structure de la vitamine D a été découverte en bonne et due forme, en laboratoire.
C’est un Américain, Elmer McCollum, qui fait la percée la plus décisive. D’abord, il découvre la vitamine A, au début des années 1910.
Puis, grâce à des expériences sur des rats, il observe (et confirme) que l’huile de foie de morue prévient le rachitisme.
Or, l’huile de foie de morue contient aussi de la vitamine A. Est-ce vraiment cette vitamine-là qui prévient le rachitisme, se demande le Dr McCollum.
Pour en avoir le cœur net, il chauffe et aère de l’huile de foie de morue, pour en désactiver la vitamine A… puis il donne cette huile modifiée à ses rats rachitiques… et constate qu’ils guérissent quand même !
Le Dr McCollum en déduit qu’il existe dans l’huile de foie de morue une autre substance que la vitamine A, qu’il nomme alors vitamine D (car les vitamines A, B et C avaient déjà été découvertes).
Dernière étape : il montre que ses rats guérissent aussi du rachitisme quand ils sont exposés au soleil… et en conclut que le soleil aussi permet d’obtenir cette précieuse vitamine.
Au même moment, un essai clinique extraordinaire est publié dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) : parmi des bébés noirs américains particulièrement à risque, ceux qui ont reçu l’équivalent de 400 UI de vitamine D par jour, via de l’huile de foie de morue, n’ont été que 8 % à développer du rachitisme… contre 94 % des bébés du groupe qui n’avaient pas été traités[4] !
Enfin, pour enfoncer le clou « scientifique », un chercheur allemand identifie la structure chimique de la vitamine D2… et obtient en 1928 le Prix Nobel de chimie pour cette découverte.
Dans la foulée, ce scientifique démontre comment nous fabriquons naturellement la vitamine D au soleil : notre peau contient une molécule spécifique (7-déshydrocholestérol), qui est convertie en vitamine D3 sous l’effet d’une exposition aux rayonnements ultraviolets (UVB).
Cette fois, toutes les preuves sont là – même si, je le répète, on n’en avait pas besoin !
(Pas plus qu’il n’y avait besoin de découvrir l’existence des microbes pour comprendre que le Dr Ignace Semmelweis avait raison, en 1848, de demander aux médecins accoucheurs de se laver les mains, dès lors qu’il avait démontré que ce simple geste divisait par 10 la mortalité des femmes à la maternité ! Voilà encore une illustration des dérives du scientisme borné, qui fait encore des dégâts aujourd’hui !)
La bonne nouvelle, c’est qu’à cette époque-là, la vitamine D est unanimement reconnue en Occident comme incroyablement bénéfique.
De 1930 à 1960, une fantastique frénésie pour la vitamine D
À partir de l’entre-deux-guerres, donc, on commence à distribuer largement l’huile de foie de morue.
On commence aussi à utiliser les rayonnements du soleil pour guérir. Et quand le soleil est aux abonnés absents, on utilise des UV pour soigner les enfants, comme sur cette image[5] :
Encore plus fort : en Europe, on commence à enrichir la nourriture en vitamine D – le lait en particulier.
C’est une période exceptionnelle : enfin, les enfants occidentaux ne manquent plus de vitamine D !
Résultat : en quelques années, le rachitisme disparaît presque entièrement.
Au Danemark, par exemple, on ne trouve plus que 4 % d’enfants rachitiques à l’hôpital dans les années d’après-guerre… alors qu’on en diagnostiquait 10 fois plus dans les années 1930[6].
Avec la vitamine D, les os sont plus solides. Ce n’est donc pas une coïncidence si les Danois ont gagné 4 centimètres entre 1940 et 1950… c’est d’ailleurs la décennie où ils ont le plus grandi[7].
De façon générale, les enfants ayant plus de vitamine D sont en bien meilleure santé.
Car la vitamine D est aussi la clé d’un système immunitaire optimal – on l’a vu avec le Covid, mais c’est vrai avec toutes les maladies infectieuses : cette vitamine permet d’éviter les infections et surtout d’en écarter les formes graves.
Ainsi, l’essor de la vitamine D au 20ème siècle est une des raisons majeures de la disparition des maladies infectieuses – et de l’augmentation de la taille des Occidentaux.
L’effet de la vitamine D sur la santé infantile est même transgénérationnel : des femmes victimes de rachitisme dans leur enfance développaient parfois un bassin trop étroit, ce qui pouvait conduire à des complications graves lors de l’accouchement, y compris la mort de la maman et de l’enfant[8].
Bref, au milieu du 20ème siècle, la reconnaissance de la vitamine D conduit à un immense progrès de santé en Occident.
Avec l’huile de foie de morue, le soleil et les UV, les aliments enrichis en vitamine D, les enfants n’ont jamais été autant « nourris » de cette vitamine essentielle.
Et puis… patatras.
À la fin des années 1950, un drame se produit.
Un malentendu médical qui a stoppé net cette « époque dorée ».
Et qui a causé pour notre santé un recul dramatique, dont on subit encore aujourd’hui les effets délétères.
Je vous en parle la semaine prochaine – restez connecté(e).
Bonne santé,
Xavier Bazin
37 Responses
Très intéressant et celà me rappelle que petit j, ai, eu droit à la cuillère d huile de morue, il paraît que je manquais de calcium. Celà peut il être utile à quel q un de ma connaissance qui a des métastases osseuses donc fragile des os ?
Merci pour les photos de doisneau…
J’attends avec impatience la suite..
Vraiment intéressant !
Extrêmement intéressante vos lettres. Bravo !!!!
Toujours intéressant vis commentaires. Merci pour tous ces partages.
Depuis des années ma gynécologue m a prescrit chaque jour de la vitamine D j ai 77 ans je ne prends aucun médicament et me porte très bien..
Bonjour Monsieur Bazin et merci pour toutes ces lettres riches d’ informations. Faciles et agréables à lire. Vous êtes le seul des éditions Biosanté que j’apprécie et qui ne me saoule pas d’informations « publicitaires » ! (hormis celles de l’académie de nutrithérapie de Julien Venesson)
J’ai hate d’en savoir plus sur le « malentendu médical »
Portez vous bien et un grand merci pour votre combat.
Patricia
tres bonne documentation a bientot
Bjr
Oui cette lettre ma beaucoup intéressé j’attends la prochaine lettre
Cordialement
Bonjour
Toujours un plaisir de lire vos lettres
Merci